Selfie : entre empouvoirement et miroir édulcoré, parfois générateur de #cyberviolence à l’égard des filles sur les réseaux sociaux

Voilà des années que le selfie tient une place prépondérante sur le web. Se prendre en photo en premier plan devant un paysage de vacances, illustrer son quotidien, documenter son apparence physique : à chaque cliché l’envie irrépressible de partager des images de notre vie privée sur les réseaux. Très vite critiquée à son arrivée, cette façon de diffuser une mise en scène égocentrée n’a pourtant pas été qu’une mode fugace.

Mon beau miroir numérique

Ancrée dans nos comportements numériques, la diffusion de nos egoportraits est un mode d’expression qui est, de plus, devenu monétisable. Constat inéluctable au vu du nombre d’influenceurs et influenceuses qui au travers de leur clichés, font fructifier leur business sur la toile.

Bien que filles et garçons de la Génération Z soient productrices·eurs ou consommatrices·eurs d’images egocentrées, les chiffres et les comportements indiquent que les filles sont plus souvent victimes des dérives liées à la publication et au visionnage des images en ligne.

Pourquoi ? Parce que tout comme en dehors des activités numériques, les injonctions liées aux corps et aux comportements ciblées vers les filles constituent un affaiblissement de leurs libertés, plus que les injonctions faites aux garçons.

Éducation familiale genrée, automatisation et mimétisme lorsque l’on est bombardées de représentations très codifiées liées au genre, en ligne et hors ligne, mais aussi biais cognitifs : comment (faire) prendre conscience du cybersexisme et quelles échappatoires existent ?

A l’heure de la libération de la parole sur les sujets du harcèlement et des atteintes faites aux femmes dans l’espace public et professionnel, l’écosystème Internet s’empare encore peu des problématiques genrées de la cyberviolence. Certains chiffres sont pourtant sans équivoque en ce qui concerne les comportements et images intimes diffusées sans consentement. Selon l’étude réalisée par la Cyber Civil Rights Initiative dès 2015, 90 % des victimes de vengeance pornographique (diffusion de photos intimes sans consentement) sont des (jeunes) femmes.

Le web n’a pas créé ces cases dans lesquelles il paraît obligatoire de se ranger et de diffuser sa propre image. Elles existent dans la société, mais sont décuplées dans ce monde de la consommation d’images qu’est Internet : une fille doit exposer son corps en fonction des codes de mise en scène communément admis comme étant la norme. Et aussi : une fille qui ne s’expose pas court le risque de s’exclure de son groupe social. 

Alors les selfies : bonne ou mauvaise pratique ? Là n’est pas la question. Les seul·es responsables étant les rédacteurs·trices de commentaires haineux ou de vol et de diffusion de photos privées. Concrètement, les phénomènes suivants sont observés chez les jeunes : diffusion de nudes (partage de photos de soi dénudées) qui peuvent donner lieu à du vol de photos et la publication cachée sur des comptes fisha (comptes privés alimentés par des hommes sur lesquels sont publiés sans consentement des photos de jeunes filles), mécanismes du revenge porn, du slut shaming (stigmatiser une fille en fonction de comportements ou tenues jugées comme sexuellement provocantes et portant atteinte à sa « réputation »).

Libère ton body

En parallèle, il existe des effets positifs liées la libération de certaines normes corporelles sur Internet. Le courant body positive a vu le jour il y a quelques années. Basé sur l’acceptation des corps féminins dans toute leur diversité et en faveur de la visibilisation des corps « non-normés », ce courant a aussi été adopté dans plusieurs campagnes marketing.

A titre individuel, il est porté par des influenceuse·eurs sous forme de coaching d’acceptation dirigé vers des followeuses qui par effet miroir, apprennent à s’accepter.

Se permettre une réappropriation de son corps, en dehors des normes du corps mince et sexualisé, de la peau lissée par les filtres Snapchat et Insta, voilà l’objectif du courant body positiv. Ce but est-il atteint ? le magazine Causette de janvier s’est penché sur la question. Mettre en visibilité d’autres corps et d’autres façons d’être, est toujours bénéfique. Mais la récupération de ce courant par des personnes peu concernées par le sujet et cette nouvelle norme d’injonction à aimer son image en tant que pilier de l’être et en toutes circonstances ne brouille-t-elle pas les bénéfices du mouvement ? L’acceptation et l’atténuation des normes par le boby positive fait-elle partie de la solution pour être sûre de soi, lutter et dénoncer la cyberviolence dont les filles et femmes sont victimes sur Internet ?

Sur quoi faut-il s’interroger pour avancer ? Qu’en pensent les principales intéressées de ce sujet : collégiennes, lycéennes, comment vivre son adolescence avec le recul nécessaire et les réflexes de protection, les réflexes d’actions pour pouvoir garder confiance en soi et savoir où demander de l’aide en cas de besoin ?

Fille ou garçon, prendre conscience des mécanismes en jeu (ceux de la société, et les mécanismes algorithmiques sur le web) est un premier pas pour déconstruire les rouages de la #cyberviolence genrée.

Intervention et devis sur demande pour des modules en classe et devant les parents d’élèves.

Sources des données et inspiration du contenu :

Article sur STOP Cybersexisme

Chiffres de la Cyberviolence sur education.gouv.fr
Etude (format PDF) sur la cyberviolence à l’égard des femmes et des filles réalisée par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Article de Libération janvier 2021 « Le cyberharcèlement sexiste est de plus en plus fréquent. »

Illustrations visuelles extraites des publications :
– BD Dans le palais des Miroirs de Liv Strömquist
– Magazine Causette #129 janvier 2022 « Le body positive nous libère-t-il vraiment ? »